Comme vous les Roadies, en pleine pandémie, nous vivons confinés, en n’oubliant pas de regarder ce qui se passe outre-Atlantique. On a d’ailleurs lancé un papier sur lequel on vous tient au courant chaque jour. Les Etats-Unis sont frappés violemment par la pandémie de Covid-19. Tous les états sont touchés, 45 ont instauré le confinement. Nous aussi, on se demande comment tout ça va finir, comment se portent nos chers USA et quand on les retrouvera…
Mais au-delà des infos institutionnelles, on avait aussi envie de savoir comment ça se passe, humainement et « réellement », sur place. Alors, nous avons lancé un appel et donné la parole à plein de gens, en majorité des expats, qui nous racontent leur quotidien, dans ce qui s’apparente à un journal de bord. D’une côte à l’autre, des grandes villes aux coins paumés, en passant par les suburbs… C’est parti…
> Lire aussi : Coronavirus et billets d’avion : les conseils d’un spécialiste
Les Etats-Unis au temps du coronavirus
« Au Texas ça va, mais nous avons passé deux semaines sans pouvoir trouver de papier toilette ! »
Aude (et Tommy Lee, banlieue de Dallas, Texas)
15 juin 2020. « Merci de prendre des nouvelles! Je suis rentrée en France le 1er mai. En faisant escale par Londres. Dallas-Londres et Londres-Paris. Aucun contrôle jusqu’à l’arrivée à la gare où j’ai pris un TGV pour rentrer chez moi en Savoie.
15 avril 2020. « Je suis Française en séjour temporaire au Texas chez mon copain américain. Je suis arrivée le 3 mars dernier et je devais repartir le 8 avril. Mon vol a été annulé , et vue la situation en france, j’ai préféré prolonger mon séjour. J’ai hier soir trouvé un vol direct (surprenant ils avaient coupé les vols entre Dallas et la France), pour le 13 mai prochain.
Comment se passe le confinement au Texas? Depuis un mois, rien n’a trop changé, on a toujours le droit daller marcher, faire du vélo ou courir en respectant une distance sociale de 6 pieds et pas plus de 10 personnes en groupe.
Les magasins dit « non indispensables » sont fermés .
Mon copain habite dans le comté de Dallas à environ 30 minutes du Downtown. Une maison avec jardin dans un quartier paisible. J’apprends à jardiner, en général le matin je suis en communication avec ma famille et mes amis français, puisque nous avons 7 heures de décalage.
J’ai actuellement une meilleure situation de confinement ici, même si ma famille me manque, je sais que de toute façon nous ne pourrions pas nous voir.
Mon visa se terminant début juin, il faudra bien que je rentre même si il faudra traverser la tempête en prenant le train après mon avion. (J’habite en région Rhône-Alpes) et j’atterris à Paris.
J’ai fabriqué des masques « maison » avec du tissus, j’ai réussi à trouver des gants sur un site en ligne que nous avons reçus hier pour aller faire les courses, et par chance il nous restait du gel hydro-alcoolique à la maison. Et j’ai encore des masques FFP2 que mon père m’avait donnés avant de partir au cas où, il avait fait du stock, je les ai gardés précieusement pour prendre l’avion et le train à mon retour.
Lorsque l’on va faire les courses nous avons un rituel: dès que l’on rentre dans le magasin, on ne touche plus nos téléphones ni notre visage, arrivés à la voiture après avoir posé les courses dans le coffre c’est gel hydro avant d’ouvrir et de toucher le volant ou les portières, puis arrivés a la maison rebelote après rangement des courses, je passe des lingettes sur les plans de travail, sur les boîtes parfois (oui je psychote un peu-), et on se re-lave les mains. Idem lorsque l’on reçoit des colis. Et nos chaussures restent en bas.
Nous avons passé deux semaines sans pouvoir trouver de papier toilette… ici aussi c’était la razzia. Et nous sommes maintenant limités à un produit par famille ( 1 paquet de mouchoirs, 1 paquet de papier toilette, 2 plaquettes de beurre, 2 boîtes d’œufs).
Nous avons aussi des horaires pour les seniors dans les magasins, et une distance à respecter en attendant à la caisse.
Au Texas la situation n’est encore pas trop mal car c’est un état aussi grand que la France et peu dense en population.
Nous devions aller une semaine en Floride, puis en Géorgie, nous avons dû tout annuler ».
« On a eu un confinement d’abord choisi »
Anne and family (Hermosa beach, Los Angeles, Californie)
On a rencontré Anne et sa famille, originaires de la région parisenne et expatriés en Californie, en 2015. On est devenus amis à longue distance. Elle nous raconte son quotidien avec ses trois filles: Ambre, Clémentine et Margaux, et son mari Nicolas.
10 août 2020. « Nous ne sommes pas confinés mais télétravail obligatoire, sauf pour activités essentielles. Nous continuons donc de bosser de la maison. Cela ne change pas depuis la mi-mars.
Normalement tu dois porter ton masque en courant, et même sur la plage. La seule exception est quand tu es dans l’eau.
Les filles vont faire du surf pendant 3 semaines à partir de lundi, en gros c’était la seule activité possible… Ils ont un protocole assez strict: les enfants ne peuvent pas se toucher et doivent rester 6 feet apart (presque 2 mètres), porter des masques (sauf dans l’eau…). Ils viennent te chercher tes enfants dans la voiture et vérifient leur température.
10 avril 2020. « Nous sommes en confinement tout d’abord choisi puis obligatoire depuis pratiquement 1 mois maintenant le 13 mars. Je bossais déjà une partie du temps à la maison, donc cela ne change pas beaucoup pour moi en dehors du fait qu’il faut gérer en plus l’école des filles. Nicolas a beaucoup de boulot en ce moment car l’e-commerce a le vent en poupe.
« Nous avons dû revoir tous nos projets »
Pauline (Fishers, banlieue d’Indianapolis, Illinois)
5 août 2020. « Les cas repartent un peu à la hausse ici et du coup l’école ne reprendra pas en physique avant un bon moment, j’en ai peur.
15 juin 2020. « Le déconfinement se fait doucement mais sûrement.
Comme prévu l’école n’a pas repris, la crèche des petits a survécu à tout le confinement. Réouverte il y a 15 jours aux camps d’été et est fermée depuis mercredi pour 15 jours pour cause de cas de COvid. ?.
« Le coronavirus ne change pas vraiment grand chose à ma vie »
Harley Russell, mythique gérant du Sandhills Curiosity Shop d’Erick (Oklahoma, sur la Route 66)
Nous avions adoré notre rencontre avec Harley, sur la non moins mythique Route 66. Du coup on a pris de ses nouvelles. Les voici, traduites :
15 juin 2020: « Je suis toujours assez occupé, j’attends que tu viennes me rejoindre (lol). D’habitude la plupart de mes visiteurs sont des touristes étrangers, mais là les Américains ont tellement besoin de sortir qu’ils m’occupent bien! Et vous, j’espère que ça va?! »
NB: Harley essaye de faire son premier selfie, d’ici là, on vous a mis une photo d’archives/
« On a connu les évacuations à cause des feux et des incendies, mais cette fois la coupure sociale est dure »
Amélie (Californie)
19 juin 2020. « Nous sommes en déconfinement progressif, donc en gros de plus en plus de business peuvent ouvrir à nouveau et par étapes :
« Le confinement à Chicago se passe très très lentement »
Delphine Legrand (Chicago, Illinois)
5 août 2020. « Le déconfinement à Chicago et plus généralement en Illinois se passe très très lentement. On stagne. Phase 4 toujours mais face à l’augmentation du nombre de cas (jeunes entre 20 et 35 ans) la maire de Chicago a remis quelques restrictions notamment dans les bars et salle de sport. Comme partout, il y a plus de cas car plus de tests. Le 2 août , 1639 cas et 8 morts. Les plages sont toujours fermées.
15 juin 2020. « Dernière annonce de la maire! Le trail le long du lac rouvre mercredi 17 juin pour les sportifs, cyclistes, etc ainsi que les bars de plage. Il faudra attendre encore un peu pour poser sa serviette et aller se baigner.
6 avril 2020. « Nous habitons Chicago depuis bientôt 6 ans (avant nous habitions à Metz mais ce n’est pas notre ville ni notre région d’origine, et nous nous sommes expatriés entre temps en Espagne et au Canada. J’ai toujours bougé avec mes parents, déménager ne me fait pas peur), nous avons 3 enfants mais il n’y a que le petit dernier qui habite encore aux USA, les 2 grands étant partis faire leurs études en France.
Le lycée français de Chicago a fermé ses portes le jeudi 12 mars au soir suite à l’allocution du président Macron. Nous sommes donc confinés à la maison depuis cette date.
Les restaurants et bars ont fermé le samedi 14 mars au soir, les écoles publiques de Chicago le lundi 16 mars.
L’Etat de l’Illinois a ordonné le confinement général le 20 mars. Il a été dans les premiers états après la Californie à ordonner le lockdown.
Le dimanche 22 mars a été une journée printanière à Chicago et les habitants sont allés se promener le long du lac, dans les parcs et jardins publics, etc du coup la maire de Chicago, Lori Lightfoot a ordonné la fermeture immédiate de tous les accès au lac, et chaque rue est fermée par une barrière et la police veille. L’amende est de 500$ pour les contrevenants.
A Chicago il s’est passé la même chose que partout ailleurs; rayons de pâtes, PQ, farine, boîtes de conserve, produits de nettoyage complètement dévalisés la première semaine. Depuis ça va mieux mais je trouve que les magasins que je fréquente sont moins bien achalandés qu’avant. A croire que les Américains ont décidé de cuisiner alors qu’en général ils se contentent de commander ou d’acheter à emporter !!
L’aéroport O’Hare est l’un des plus fréquentés au monde (1 avion toutes les 90 secondes) et depuis 15 jours on n’entend presque plus les avions, est-ce une impression? Peut être, lorsque l’on voit le nombre de vols intérieurs aux USA en ce moment, alors que tout le monde est censé rester chez soi.
Je n’habite pas Downtown mais il paraît que le centre de la ville est désert, là où se trouvent tous les musées et sites touristiques.
Depuis la fermeture des rives du lac les gens font leur footing dans les rues et j’ai l’impression qu’ils marchent plus qu’avant, certains portent des masques, d’autres non.
Certains supermarchés filtrent le nombre de personnes à l’intérieur (Trader Joe’s par exemple) et d’autres non. Certains désinfectent les caddies avant de vous le donner, d’autres non. Bref chacun fait comme il veut ou bien comme il peut.
Ma seule sortie de la semaine est d’aller faire les courses. Mon mari est en télétravail mais se rend de temps en temps au bureau ou en usine selon les semaines. Il n’a plus aucun déplacement professionnel dans d’autres états. Le seul à supporter sans problème le confinement c’est notre ado!
Il n’y a plus de distinction entre le rythme semaine et le rythme week-end, c’est difficile de se motiver.
On veut à la fois se fixer un but pour que ça aille plus vite: l’été en France pour revoir sa famille. Et en même temps on ne veut pas faire de prévision, ne pas trop espérer car à l’allure où ça va on n’est loin d’être sorti de ce bazar. Le temps s’est ralenti alors qu’il passait trop vite!«
#stayhome
« Horseshoe Bend est encore ouvert mais ça fait bizarre de le voir tout vide »
Nancy, à Page (Arizona)
17 juin 2020. « Horseshoe Bend a fermé ses portes le 20 avril. En fait les portes étaient ouvertes donc c’était gratuit mais tous les employés ont été licenciés, moi y compris. Ca ne rigole pas aux USA: on te l’annonce le matin et le soir tu t’en vas.
3 avril 2020. « Je suis Nancy et je suis née à Paris, ville où j’ai grandi et toujours habité. En septembre 2016, j’ai fait un roadtrip en solo et je suis passée à Page, où j’ai rencontré mon mari grâce au site AirBNB, et on s’est mariés en juillet 2018. Je travaille à Horseshoe Bend depuis un an comme hôtesse de caisse sur le parking, j’accueille les clients.
Comment je vis la pandémie de coronavirus ? Plutôt bien car ma vie n’a pas vraiment changé, je vis dans une ville de 7500 habitants, malheureusement beaucoup de commerces ont dû fermer comme les restaurants et certains ne ré-ouvriront pas…
Je suis assez mal renseignée sur ce qui se passe, je ne suis pas trop les nouvelles au journal télévisé américain donc je suis un peu au courant grâce à mes conversations téléphoniques avec ma famille et mes amis. C’est pas non plus le top mais bon entre les fake news sur les réseaux sociaux, c’est mieux que rien. Normalement à cette période c’est blindé de touristes et ça fait super bizarre de ne plus les voir…
« On a été les premiers confinés et c’est une chance »
Sophie (Campbell, baie de San Francisco, Californie)
15 juin 2020. « Quelles sont les nouvelles? Grande question! Les choses ici ne sont pas claires et manquent de cohérence.
5 avril 2020. « Dans la baie de San Francisco, les écoles ont fermé le 13 mars, les employés des grandes compagnies de tech bossent de la maison depuis début mars et les maires de 7 counties ont décidé le « shelter-in-place » (confinement) le 16 mars. On a été les premiers à être confinés aux USA car le county de Santa Clara a été l’un des plus touchés aux USA début mars.
On a déjà senti le vent tourner la semaine avant cette dÉcision : plus aucune file d’attente devant les restaurants ; malls déserts. Beaucoup de gens ont dévalisés les supermarchés : papier toilette et essuie-tout. Vous avez tous dû voir les files d’attente très longues pour entrer dans Costco (équivalent de Metro).
On trouve de tout dans les supermarchés (ok sauf du gel désinfectant et du papier toilette), et depuis une semaine, ils ne laissent rentrer que 15 personnes dans les magasins, les autres attendent gentiment dehors séparés de 2 mètres.
Les Américains suivent plus ou moins les règles : le gouverneur a quand même dû prendre une mesure pour fermer les accès aux parcs régionaux, nationaux et aux plages, car le premier week-end de confinement a été un week-end dehors pour beaucoup.
Les rues dans mon coin sont désertes, on croise juste des gens qui vont chercher des repas à emporter au restaurant. On a le droit d’aller se promener sans attestation, mais nous sommes priés de ne pas prendre la voiture et de nous promener ou de faire du sport dans le voisinage.
Pour le moment le confinement a été rallongé jusqu’au 1er mai, et il a été annoncé il y a deux jours que les écoles californiennes ne rouvriront pas avant l’été.
Les gens sont très inquiets de l’impact du COVID-19 sur leurs commerces, vu qu’il n’y a pas vraiment de protection sociale. Alors on essaie d’aider comme on peut : paiement du personnel de ménage meme si il ne vient plus ; idem pour les crèches et les écoles privées ; achats sur Internet dans les boutiques locales ( le chocolatier de la ville a eu 100 commandes en 2 jours après avoir annoncÉ la possibilité de se faire livrer). Le chômage connaît une très forte augmentation, et vu qu’il n’y a pas d’assurance chômage, les gens ont du mal à payer leur loyer (prix des loyers ici en 3000 et 5000 dollars pour un 2/3 pieces suivant l’endroit où vous désirez vivre), et même faire les courses, sans parler de la perte de l’assurance santé.
Je pense qu’on a tout de même eu de la chance d’avoir été mis en confinement plus tôt, car au départ, dans la baie, nous avions plus de cas qu’à New-York. Il y a toujours une augmentation du nombre de cas mais elle est bien moins rapide que dans les autres états américains.«
« On vit dans un coin retiré, c’est comme dans un film pour eux ! «
Julie, 36 ans, à Jonesborough, plus vieille ville du Tennessee. Originaire d’Albi, arrivée aux USA en 2010
3 avril 2020. « Je vis dans le nord-est du Tennessee, un coin totalement paumé au milieu des Smoky Mountains, ou l’économie locale est gouvernée par Eastman, la multinationale pour laquelle je bosse. La boîte aujourd’hui produit des ingrédients et produits que l’on trouve dans 90% des choses que l’on touche, voit et utilise au quotidien. Cela comprend entre autres les ingrédients pour pouvoir fabriquer les machines et poches de liquides utilisées dans les hôpitaux, les ingrédients qui permettent de faire des adhésifs pour les paquets d’aliments, et j’en passe, on a une dizaine de business et catégories différentes. Donc pour nous, certains business sont très touchés car très peu prioritaires actuellement et pour d’autres, nos produits sont en très forte demande. On est aussi situés dans le monde entier dont une usine à Wuhan (qui vient de rouvrir), donc on a très vite été sensibilisés par le virus. A savoir que l’on est des milliers d’employés à bosser au siège de Kingsport, entre les bureaux et l’usine donc la région a très vite entendu parler du virus. On vit tout de même tout cela à deux vitesses car on est dans une région très retirée.
Notre entreprise a très vite communiqué sur le virus, il y a eu très vite des interdictions de voyager, ils viennent de prolonger l’interdiction à fin mai. Ils ont aussi mis très rapidement en quarantaine des gens qui auraient pu être en contact avec des gens qui revenaient de Chine ou d’Europe, bien avant que tout s’aggrave aux US. On reçoit des emails tous les jours avec une situation sur le virus, des règles qui doivent s’appliquer pour prévenir la propagation du virus, etc. Le 17 mars dernier, il a également été demandé à tous les employés des bureaux administratifs de travailler de la maison, le but étant de protéger les employés dans l’usine car nous produisons entre autres des produits chimiques et les usines tournent 24h/24, 7j/7, et elles ne peuvent pas s’arrêter pour des raisons de sécurité.
On a également juste à côté une université qui a un programme médical, le plus coté des Etats-Unis. Les tests sont donc disponibles sur le campus depuis un moment et ils viennent d’annoncer qu’ils viennent de créer un nouveau système pour tester plus rapidement et en plus grand nombre pour le virus. Les cas sont encore en très petit nombre (une soixantaine dans la région) et tout est mis en oeuvre pour affronter la propagation.
A côté de cela, nous avons une population peu éduquée dont beaucoup de gens qui ne sont jamais allé ailleurs et donc toute cette situation a l’air de sortir d’un film pour eux. Les choses graves arrivent toujours dans les grandes villes et jamais dans nos campagnes, donc beaucoup de gens pensent que cela ne nous touchera pas, que c’est peut être un coup monté, et donc on voit encore des gens se rassembler en famille, ou continuer leur vie comme si de rien n’était. Les ados et jeunes adultes sont les plus inconscients du danger ce qui se voit dans les chiffres, dans le Tennessee la moyenne d’âge la plus touchée est la tranche des 21-30 ans.
Mon county a annoncé ce week-end que nous devions rester chez nous (ce n’est pas une obligation mais un conseil) et que tous les business non essentiels devaient fermer, l’Etat a suivi avec la même décision juste après. Aux US ce genre de décisions se prennent surtout localement, chaque état est son propre pays, donc à part des aides financière, nous n’attendons rien du gouvernement. Même chaque Etat peut prendre des décisions pour apporter des aides financières comme augmenter le chômage, etc. Chez nous, le coût de la vie est bas donc rien n’a été mis en place, et même le confinement est un peu une blague. En fait, beaucoup de business sont devenus indispensables, les restos peuvent toujours faire à emporter et sont débordés (les gens aux Tennessee ne sont pas réputés pour cuisiner…) Les magasins de bricolage était apparemment pleins ce week-end aussi, personne n’avait l’air de stresser. Les supermarchés ont comme partout été vidés mais ça s’est calmé et on peut trouver de tout… sauf du papier toilette, du gel pour les mains et des produits d’entretien… Notre région est moins touchée pour le moment (Nashville et Memphis sont les plus touchées), à part les petits commerces qui vont souffrir de tout cela, mais je pense qu’il y a beaucoup plus de cas que ceux qui sont annoncés et que l’on va être durement touchés d’ici une semaine.
On reste tout de même chanceux par rapport aux grandes villes, en dehors de devoir aller au supermarché, on peut très facilement s’isoler des autres, il y a également une très forte communauté, les gens soutiennent les restaurateurs locaux et petits business en passant des commandes ou en achetant des cartes-cadeaux. J’ai été contactée par une ferme locale qui voulait me donner des oeufs car ils en avaient trop. Les distilleries locales ont arrêté de produire de l’alcool pour produire du gel pour les mains, ils en vendent une petite partie et offrent une quantité énorme aux policiers, pompiers, et centres médicaux. Ma boîte, en collaboration avec l’université locale, est en train de produire des masques qu’elle va offrir aux centres hospitaliers. Notre région est connue pour la générosité des gens et la solidarité, donc même si beaucoup sont inconscients du danger, les gens se serrent les coudes.
Comment je me sens dans tout ça ? Pour nous les expats cette situation est très bizarre et assez stressante. On a eu accès à l’actualité très vite, et c’est assez stressant de voir que ça arrive avec un décalage ici car on veut être prudents de suite mais les gens ici ne se rendaient pas compte de la gravité de la situation. J’avais décidé de bosser de la maison le jour avant que ma compagnie ferme les bureaux, j’avais parlé de tout cela avec mon équipe, et ils avaient tous suivi mon pas. Depuis je ne suis pas beaucoup sortie, juste pour récupérer des courses, mon mari a mis plus de temps à se rendre compte de tout cela, il a continué à faire des courses tout en faisant attention mais cette semaine, il commence à bien stresser et ne veut plus sortir. On a beaucoup de chance, on vit à la campagne donc je peux aller marcher dans le jardin, on a une grande maison, donc on a vraiment une situation avantageuse. Cela n’empêche pas que le comportement des gens surtout des jeunes puisse énerver …
Par contre, le stress est plus important en étant loin de la France. On vit ce stress au quotidien, on a toujours peur que quelque chose arrive. Là, c’est monté en puissance car on ne peut même pas rentrer vu que la majorité des vols sont annulés et les frontières sont plus ou moins fermées. J’ai plusieurs amis et membres de ma famille qui ont eu le virus, on stresse car on entend ce qui se passe mais on ne se rend pas compte vraiment. Beaucoup de gens viennent nous parler sur les réseaux sociaux en nous racontant les ragots qu’ils entendent et qui pourraient mettre en danger leurs futures vacances, sans se rendre compte que cela pourrait nous affecter d’une autre manière. Comme parler du fait que nous n’aurons plus de vols pendant 2 ans, j’ai entendu beaucoup de gens en France nous en parler, mais pour nous, le fait de ne pas voyager n’est pas le problème, c’est le fait de ne pas voir notre famille et de ne pas pouvoir être là dans les moments importants. Ces paroles ont un impact beaucoup plus important et je ne pense pas que les gens le réalisent. Mais on se serre les coudes entre expats, on parle beaucoup, on est même un petit groupe d’une vingtaine d’expats à se faire des « Skypero » une fois par semaine pour papoter et se changer les idées.
P.S : Quelques minutes après avoir écrit la fin de ce texte, notre CEO nous a annonce qu’une personne qui bosse à notre siège venait de décéder à cause du virus… Nous n’avons pas plus d’informations mais le virus est bien là et proche de nous… »
« On a vécu tout ça comme une fatalité, et là nous faisons une bonne saison »
Pierre (et Claudia), Cannon Beach (Oregon)
Vous vous rappelez sûrement de Claudia et Pierre. On les a rencontrés en 2014, lors de notre premier passage en Oregon. Ils tiennent des hôtels à Cannon Beach, sur la côte, et on est devenus amis. On s’est revus plusieurs fois, là-bas et ici, en France, d’où Pierre est originaire. Lors d’un petit Whatsapp pour prendre des nouvelles, on en a profité pour prendre un peu la température sur place. C’est Pierre qui nous parle, depuis son labo photo (c’est un grand photographe). Lui qui a longtemps travaillé pour des journaux porte, comme d’habitude, un regard très intéressant sur le sujet.
5 août 2020. « Ici nous allons bien, so far so good ! Nous avons rouvert les hôtels avec un protocole de sécurité au top (nous utilisons les techniques employées dans les services de médecine) et nous faisons une bonne saison. Pas comme d’habitude, mais dans l’état actuel des choses nous ne nous plaignons pas.
Nous avons hâte de venir en France ! »
15 juin 2020. « Après être restés isolés pendant deux mois, sans visiteurs venant de l’extérieur, c’est la folie. Il y a un monde fou et la majorité n’applique pas les consignes [distance entre les personnes, port du masque, etc.] C’est presque devenu un sujet politique. C’est pathétique et assez inquiétant. Il y a des foyers de recrudescences un peu partout. »
4 avril 2020. « Cannon Beach est complètement fermée, ils ont même interdit l’accès aux non résidents. Il y a même un panneau sur la Route 101, presque drôle…
Les habitants, globalement, respectent bien le confinement, même si officiellement il n’est que conseillé de rester chez soi, nous avons le droit de sortir. La règle : sortir, pour les courses essentielles, c’est-à-dire uniquement de la nourriture puisqu’il n’y a plus que ces commerces qui sont ouverts. Certains commerçants ont mis du temps à réagir, ils ne se sont mis à désinfecter les caddies, etc qu’il y a 2-3 jours, après rappel de la police ! Beaucoup d’Américains sont complètement inconscients…
Notre gouverneure a réagi assez rapidement, plus vite que d’autres états et même que la Maison Blanche (elle a pris des directives le 23 mars).
Nous, on a décidé de fermer l’hôtel avant même la décision, le 15 mars. On a essayé de s’organiser, de reconfigurer le check-in et de le mettre dehors, d’acheter des thermomètres mais on s’est vite rendus compte que c’était trop compliqué de garantir la sécurité de nos hôtes, de décontaminer les chambres…
Notre personnel est au chômage, ils annoncent des aides mais on ne sait pas si ça suivra… Tous les hôtels sont dans le même cas ici, les petits ont déjà déposé le bilan. C’est notre grande crainte aussi, de ne pas rouvrir. 95% des business aux Etats-Unis n’ont pas de trésorerie, donc ça va être dur de tenir. On a eu 500 annulations et remboursé toutes les réservations, jusqu’à l’automne. On a aussi raté le lancement de la saison, le Springbreak. Les économistes pensent que ça sera pire que la Grande dépression des années 1920…
Pour l’instant, aucun cas n’a été recensé à Cannon Beach, mais il y en eu un à Seaside, à moins de 10 kilomètres. Mais personne n’a été testé.
Nous on va bien. J’en profite pour ressortir de vieux négatifs de sujets que j’ai couverts il y a 40-50 ans ! Je ne sors qu’un peu, je fais des photos mais en restant dans ma voiture, pour prendre l’air. Claudia va bien aussi, elle cuisine beaucoup (et très bien!) Elle qui ne s’arrête jamais se pose un peu, et on est finalement contents d’avoir un peu de temps pour nous.
On n’est pas inquiets outre mesure, on le vit comme une fatalité… et puis vu notre âge, il faudra bien qu’on s’arrête un jour ! On habite à la sortie de la forêt et on voit beaucoup de wapitis et d’oiseaux.
J’essaye de rester informé en lisant plein de sources, y compris des journaux français. Ce qui me marque ? Les ventes d’armes ont explosé aux Etats-Unis, comme jamais ! Même en Oregon. Le FBI donne les chiffres quotidiennement et c’est complètement fou. Les gens ont peur du manque de nourriture et que cela tourne en guerre civile. Il y a aussi ces scènes de batailles au Costco; des familles viennent à 7 personnes et repartent les caddies pleins, et les gens en viennent aux mains ! Impossible de trouver du papier toilette, c’en est presque devenu une blague. Vu ce que j’ai vu au cours de ma carrière, j’ai imaginé parfois qu’on arriverait à des situations politiques tendues, des guerres, mais jamais à ce genre de virus…
Vous savez qu’il est beaucoup question de son origine. Des savants chinois pensent que le virus a été apporté par des ressortissants américains de l’Etat de Washington aux Jeux militaires de Wuhan, qui se sont tenus en octobre … Mais moi je ne pense rien , je m’informe. »
> Plus d’infos ici (Huffington Post, L’Express, CNBC).
« Oui, on se sent dans un film de science-fiction »
Audrey Laessig, à New York
« Vivre aux Etats-Unis quand sa famille est en France, c’est très lourd »
Camille, Downers Grove (banlieue de Chicago, Illinois). Originaire d’Anjou, aux USA depuis 20 ans
4 avril 2020. « Alors déjà vivre aux USA quand sa famille vit en France, pendant cette époque étrange, c’est lourd car on jongle entre les actualités francaises et américaines. Et on râle beaucoup au départ car on n’est juste 15 jours après l’épidémie française et il n’y a aucun lockdown en place appliqué à tous les états et que les USA sont très très en retard sur l’enrayement de l’épidémie.
- 13 mars : annonce du gouverneur que les écoles seront fermées jusqu’au 7 avril. Les employeurs sont encouragés à demander a leurs employés de faire du télétravail. Notre bibliothèque fermera le soir même (heureusement, j’avais anticipé et fait une cargaison de bouquins pour mes enfants).
- 15 mars : les gens, malgré le fait que la parade de la St Patrick à Chicago ait été annulée, envahissent les bars et restos ce week-end là, donc le gouverneur annonce la fermeture des bars/restaurants. Seul le « carry-out » (à emporter) est toléré.
- 20 mars : annonce que l’Illinois rentre en « shelter in place »: les magasins/business non essentiels sont fermés. Seuls restent ouverts: les supermarchés, les cabinets médicaux, les pharmacies.
- 27 mars : annonce que le « shelter in place » est prolongé jusqu’au 30 avril. L’école « doit » reprendre le 1er mai (on verra, j’en doute).
- Mon mari a la chance de travailler pour un employeur qui a encouragé le télétravail dès la demande du Gouverneur. Moi, j’étais à mi-temps dans une start-up, j’ai donc dû rester à la maison sans droit au chômage, ce n’est pas grave. L’un de nous travaille, une énorme chance car beaucoup de personnes ont dû faire des demandes d’allocation chômage et le site n’arrive pas à accepter toutes les demandes pour ces professions qui gagnent déjà très peu (coiffeurs, serveurs, cuisiniers, etc…)
- On a la chance de pouvoir se promener autour de chez nous – on sort donc prendre l’air tous les jours, promenade de près de 2km dans le voisinage… ou plus à pied, à vélo.
- Les gens décorent le trottoir devant chez eux, ça rend plus ludique les sorties pour les plus petits.
- Je cuisine. J’essaie des nouveaux plats maison ! C’est bien ces recettes, ca fait « cogiter » utilement.
- Mes enfants ont beaucoup de chance d’avoir été habitués très tôt aux Google classroom dès le CM1 . Pour ma Mistinguette, on a récupéré le « chromebook » à l’école le 18 mars (normalement ils ne l’emmènent à la maison qu’en 6e – mais le traînent de classe en classe dès le CM1) donc les profs retrouvent les élèves en utilisant différents outils, les nearpods. Mon lycéen a son chromebook remis par le lycée des la 1ère année, et son lycée prête des ‘hotspots’ aux élèves qui n’ont pas accès à Internet chez eux. Idem, cours via Google classroom ou zoom. Le truc qu’il faut souligner, c’est que c’est grâce à l’école que beaucoup d’élèves de grande section à terminale ont accès à des repas gratuits et que ces repas sont maintenus un système de livraison mis en place. Ils ont eu deux semaines d’e-learning et là on finit notre Springbreak à la maison (on devait partir à la découverte de Phoenix et Sedona… qu’on a dû annuler). La rentrée est fixée au lundi 6 avril, après une semaine de break.
- Je traîne sur les réseaux sociaux. J’ai la chance d’avoir des enfants indépendants scolairement donc faut bien trouver des trucs à faire. J’ai fini des albums photos papiers que je ne pensais pas faire avant la retraite un jour ! Sur mon compte Facebook je rassemble et poste tous les jours des « meme » en français et anglais sur le confinement pour égayer le quotidien de mes ami(e)s Facebook. Rire est la meilleure médecine en ces temps anxiogènes.
- Après les courses, on voit que les magasins prennent de plus en plus de dispositions. Des plages horaires sont réservées pour les seniors (tous les matins de 8h à 9h dans les Trader Joe’s par exemple). Costco nettoie tous ses chariots et a installé devant l’entrée un chemin avec des palettes pour faire entrer les clients au compte-goutte (ça fait bizarre quand on y est allés la semaine dernière, ça faisait penser a des barricades !). Selon les magasins, les employés ont maintenant soit une vitre en plexiglas à la caisse, soit comme à Trader Joe’s, on doit rester à un endroit marqué au sol par du scotch pendant que les caissiers scannent les articles, et ils nous disent quand on peut s’approcher pour payer, comme ça ils peuvent eux de reculer de la caisse…
- Les produits de protection manquent dans les hôpitaux. Les lycées de notre ville ont fait un don des lunettes de protection des labos physique-chimie, des gants, du matos de l’équipe de nettoyage à notre hôpital. Moi je suis nulle en couture (j’ai essayé mais bon faut laisser tomber un jour quand ça marche point, ça marche point). Mais des personnes fabriquent des masques pour l’hôpital et les aides soignantes en maison de retraite etc… Notre Rotary club fait la collecte de masques, lingettes nettoyantes, gants etc. (c’est vraiment au-delà du réel de devoir en venir à ça, on vit quand même dans l’une des puissances mondiales).
- Je faisais des séances de kiné car quand le lockdown a été annoncé, je toussais, mélange d’allergie (c’est ma saison) et microbe d’un de mes enfants, mais aucun symptôme de fièvre comme le Covid. Bref donc, j’ai dit à ma kiné, « Je ne peux pas venir désolée ». Donc je fais mes séances en télémédecine ! Le cabinet est le premier à lancer ça!
- Je réalise des retrouvailles virtuelles via zoom avec les cousin(e)s, les copines ici ou en France… Ça fait tellement du bien de se parler !
Pour suivre Camille sur son blog, c’est ici.
Vous pouvez également lire le témoignage d’Isabelle, FromSide2Side, confinée dans le Midwest à Kansas City. Elle raconte aussi la situation dans le Colorado
A suivre…
ET NOUS ?
Nous ? On est confinés aussi, à Lyon.
On (télé)travaille, tous les deux. Certains jours, le salon se transforme en véritable salle de rédaction virtuelle ! C’est épuisant, différent, mais on est « heureux » de pouvoir exercer notre métier de journalistes en ce moment historique.
On profite de nos chats, l’un de l’autre, on fait des puzzles (américains bien sûr et hyper tordus), on a lavé tous nos coussins, on blogue, fait notre premier pulled pork… Cela nous fait bizarre de devoir faire une attestation de sortie pour aller acheter du pain, les oiseaux chantent à la fenêtre, le voisin joue de l’accordéon, chaque sentiment est décuplé… Mais franchement, ça va.
Vous aussi vous êtes confinés aux Etats-Unis ? Vous voulez nous le raconter, partager des photos… Ecrivez nous à contact@lostintheusa.fr
Hello Jean-Philippe
Très intéressant, comme toujours 🙂
Est-il possible de lancer un nouvel appel à vos contacts pour qu’ils témoignent à nouveau, mais désormais sur « comment ça se passe, MAINTENANT, 3 mois après le début du confinement » ?
Les gens sortent-il avec des masques ? Y’a-t-il encore pénurie de certains produits ? etc …
Merci et bon courage !
Merci de ton retour Steph. On va essayer de recontacter tous les témoins. Déjà, on sait que Pierre et Claudia ont rouvert leur hôtel.
A bientôt
Et c’est dans ces moments là qu’on aimerait être en expatriation dans un pays « développé ».
Pourtant la même équation pour tous les expats reste celle de l’éloignement de la famille sans possibilité de se déplacer s’il arrive quelque chose, en particulier quand les enfants sont restés en France pour leurs études.
Positive attitude, heureusement qu’il reste ce blog à lire, des images marrantes auxquelles réagir et l’espoir de voir la fin de ce cauchemar arriver.
Hello Naty ! C’est en effet le plus dur. Être loin de ses proches lors d’une telle crise. Allez, on va tous s’en sortir <3
Un grand merci pour cet article, c’est super intéressant de confronter ces expériences et ressentis d’outre Atlantique. Au plaisir de continuer à vous lire, en attendant de pouvoir sortir de chez soi et, dans mon cas, de peut-être enfin découvrir l’ouest américain de visu (roadtrip prévu en août …).
Take care !!
Hello Stéphanie, merci pour ton message. On essaie de garder le lien avec les US, de vous informer au mieux sur la situation sur place. En croisant les doigts pour août ^^