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Le Cumbres & Toltec, un train d’enfer

Article rédigé le 27 août 2015 , mis à jour le 11 novembre 2023

Ahhhh l’ouest américain, ses cowboys, ses animaux sauvages, sa musique… et ses trains ! Le tableau ne serait pas complet sans ces derniers, qui exercent encore une véritable fascination sur beaucoup d’entre nous. Une poignée de ces trains à vapeur aux noms mythiques ont été sauvés et/ou ressuscités, et dévalent fièrement les paysages américains comme ils le faisaient il y a un siècle.

On les appelle les « narrow gauge trains » (les trains qui empruntent des voies particulièrement étroites). Aujourd’hui, ce sont des touristes et des locaux nostalgiques qu’ils transportent à la journée. On a déjà eu la chance de tenter l’aventure à bord du Silverton & Durango. Ravis de l’expérience, on a voulu la renouveler en prenant place dans le Cumbres & Toltec scenic railroad, qui serpente sur 64 miles (une centaine de kilomètres) entre Chama (Nouveau-Mexique) et Antonito (Colorado), en passant onze fois la frontière ! On a donc délaissé notre chère voiture pour passer du roadtrip au railtrip.

 

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Inaugurée en 1880, cette ligne a été ajoutée à celle du Denver-Rio Grande (D&RG) à travers les San Juan mountains et leur ruée vers l’argent. Elle s’est arrêtée en 1969 mais a été sauvée grâce aux efforts communs des Etats du Nouveau-Mexique et du Colorado et a repris dès l’année suivante.

 

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/ Photo d’archives Monte Ballough photo, Margaret Palmer collection (« Ticket to Toltec », a mile by mile guide for the Cumbres & Toltec scenic railroad)

 

Désigné « National historic landmark » en 2012 (il était monument historique depuis 1973) , le Cumbres & Toltec s’avance comme « le plus long, haut et plus complet exemple » de ce qu’était un narrow gauge railroading entre la fin du XIXe et le début du XXe s aux Etats-Unis. Rien que ça.

On vous emmène ? Prenez le temps, ça va rouler de 20 à 30 km/h.

 

9 heures : arrivée en gare de Chama

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Ce matin du mois d’août, on avait décidé de prendre le train numéro 5, qui part de Chama pour rallier Antonito, avec arrêt déjeuner dans la « ville » d’Osier (en fait il n’y a que le refuge qui accueille les voyageurs là-bas) et retour en bus. Soit une bonne journée de train (plus de 5 heures). N’ayant pas fait de planning fixe et voyant qu’il restait des places sur le site internet, on n’avait pas réservé. Après avoir passé la nuit à Chama (dans l’un des charmants motels de la ville qui font partie des derniers à l’animer), on est arrivés à 9 heures, une heure avant le départ, à la gare. On s’est garés sans problème sur le parking prévu à cet effet. Beaucoup de monde était déjà là : des enfants visitaient la voiture-musée, les parents et les autres faisaient le tour de la machine, heureux de l’immortaliser sous tous les angles et de parler à l’équipe du chemin de fer (de vraies rockstars).

 

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Certains étaient d’ailleurs juste là pour le voir partir. Ca s’agitait dans tous les sens. Nos tickets en main, on a fait exactement pareil. On est montés dans la locomotive, le temps d’une photo-souvenir.

 

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La vieille dame (qui fêtait ce mois-ci son 90e anniversaire) « brûlait » d’impatience de prendre le départ.

 

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On l’a laissée pour rejoindre nos sièges dans la voiture F, l’une des « coach-cars ». Il y a différentes voitures au standing variable; celle-ci fait partie des plus « rustiques » mais on est très bien dans ses banquettes de cuir. Le temps d’entendre l’incontournable « tchou-tchouuuuu » et de voir une épaisse fumée noire se dégager dans l’air, on était déjà partis ! A cet égard, faites attention : mieux vaut avoir ses lunettes de soleil et porter des vêtements sombres lorsque l’on prend ces trains, un petit dépôt de suie quasi permanent s’en dégage.

 

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Tandis qu’on répondait aux premiers signes de la main à la sortie de la gare (il y en a énormément, tout au long du trajet, preuve de la popularité du train), Harry, le contrôleur, faisait son apparition dans le wagon (en costume d’époque s’il vous plaît) et donnait gaiement du poinçon. Immédiatement suivi par Veronica, dont la tâche incontournable ici consiste à prendre note de nos désirs de déjeuner. Au menu : bar à soupes et salades ou meatloaf (pain de viande), ou dinde (« like for Thanksgiving ») ou encore macaronis cheese. On a pris un de chaque, meatloaf et turkey.

 

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Ca y est, le voyage pouvait commencer ! Tout au long, on a fait des coucous aux automobilistes arrêtés au passage à niveau, vu des cerfs… Tandis que tous les passagers passaient d’un côté à l’autre pour mieux voir la vue et qu’on se demandait si nos voisins de devant allaient finir par concrétiser sur la banquette, entre une bière et un donut. Régulièrement, l’un des bénévoles des Amis du Cumbres & Toltec est venu nous annoncer qu’on allait bientôt arriver à un point d’intérêt particulier.

 

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Par exemple des « trestles » (ces ponts en bois suspendus si emblématiques), là où ont eu lieu les déraillements historiques, là où la végétation est particulière ou d’où viennent et comment s’appellent tels et tels rochers. Nous on suivait de toute façon scrupuleusement le détail avec notre guide (papier), en suivant les markers indiqués à chaque mile sur des poteaux blancs. A peine dix miles après le départ, on était déjà passé une première fois dans le Colorado. Le temps que j’aperçoive un ours (si si, un peu en hauteur) et de manquer la photo, voilà qu’on faisait un premier arrêt pour se ravitailler en eau. Le spectacle, qu’on pouvait voir des premières loges en sortant de notre wagon, était au rendez-vous!  C’était à Cumbres, le point culminant du trajet (3357 mètres).

 

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On a traversé la magnifique vallée de Los Pinos, enchaînant les paysages : forêts, prairies, meadows, clairières et rochers volcaniques. Magnifique. Encore un dernier pont suspendu et on arrivait à Osier pour déjeuner.

 

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La mécanique est vraiment bien huilée, l’organisation est au top. Ah j’oubliais : sous le pont de l’entrée, JP pense avoir vu un castor…

 

12h30 : pause lunch à Osier

A Osier, il n’y a rien à part un ancien outpost qui sert le lunch aux promeneurs mais surtout aux passagers du C&T.

 

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C’est l’une des particularités du C&T : alors que le Silverton-Durango vous arrête dans une ville (Silverton) où vous pouvez choisir votre resto, celui-là a tout prévu et a inclus le lunch dans son billet de train (pour les autres, c’est 10 dollars par tête). Sympa. Il n’y a qu’à prendre la bonne file, en fonction de ce qu’on a commandé le matin. Petit tip : ça fait la queue à la dinde ! On passe évidemment par un magasin de souvenirs. On nous donne un plateau avec le nombre exact d’emplacements pour les aliments : la dinde, les accompagnements, le pain et le dessert. Le buffet (et le reste d’ailleurs) est sur le principe du « all-you-can-eat » (« tout ce que vous pouvez manger »). Alors que les passagers attaquent les grands réservoirs de boissons (sans alcool ; limonade, thé glacé) de la cafétéria, nous apercevons quelques tables à l’extérieur.

 

 

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On choisit ces dernières, tandis qu’on entend, à l’intérieur, les premières notes de l’animation musicale : c’est Frankie, alias « Papa Smurf » (« Grand schtroumpf »), vraisemblablement une icône du lieu qui a son propre corner où trône en bonne place un autographe personnalisé du Sheriff Arpaio, from Arizona (celui qui met les détenus en sous-vêtements roses) : « I love him, he’s my hero ».

 

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On est bien dehors, juste à l’abri du soleil. Tandis que l’autre train, celui qui arrive en sens inverse d’Antonito, fait son entrée et dépose son lot de voyageurs affamés (rebelote, c’est la queue à la dinde !), on entame notre plateau. Sans grand espoir pour être honnête. Et bien figurez-vous qu’on s’est bien trompés les Morfalous : c’est très bon. La dinde était top, le pain et le reste aussi. On est surtout tout fiers parce que le meatloaf a un petit goût de celui qu’on fait à la maison (enfin l’inverse).

 

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Repus, on est allés prendre quelques photos et traversé les autres voitures.

 

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La « parlor », la plus chic, est magnifique; il y a tout le service à bord (petit-déj inclus et tout le toutim). Mais ce n’est pas trop notre truc.

 

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Pour cette seconde partie du voyage, on va changer de voiture et passer à la « deluxe tourist car ». Une petite montée en gamme. Les banquettes ont laissé la place à des chaises et tables, il y a un bar et des snacks distribués mais surtout, elle touche l’ « open air gondola », la voiture en plein air où il faut se tenir debout et d’où la vue est top.

 

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13h45 : direction Antonito

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On remonte dans le train, qui comme vous l’imaginez nous gratifie à nouveau de son fier « tchou-tchou ». Certains passagers nous ont quitté et sont rentrés à Chama. Les choses sérieuses commencent, puisqu’on va traverser les deux tunnels du trajet. Le second, « Mud tunnel » (« le tunnel de la boue ») se targue d’avoir accueilli le tournage d’ « Indiana Jones et la dernière croisade » (pas mal d’autres westerns ont été tournés sur la ligne).

 

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Tout le monde s’excite. C’est vrai que le passage, dans le noir complet, est sympa.

 

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Très vite le paysage change et devient encore plus far-west : la végétation est basse mais presque fluo. On voit passer un groupe de pronghorns (antilopes). « Here, here! » « No, across », « No here! » essayent de nous indiquer nos voisins. C’est bon c’est dans la boîte. Sous les rayons du soleil, la vapeur d’eau crée un arc-en-ciel.

 

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L’agitation passée, ça devient difficile de ne pas piquer du nez, après le repas et bercés par le doux roulis du train (bon ok on a dû s’endormir quelques minutes). Un petit arrêt à Sublette, une ancienne station rénovée par l’association des amis du train. On y rencontre un monsieur en quad avec son chien, qui nous suivra sur une bonne partie du parcours ! Comme ce photographe « vintage » qu’on a vu plusieurs fois de la route.

 

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On prend encore des ponts, passe devant des cabines téléphoniques jusqu’à ce qu’on aperçoive le terminus, Antonito. Il est 16h40, on a dix minutes avant de monter dans le bus.

 

16h40 : arrivée à Antonito

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Il y a bien sûr un gift-shop mais la plupart des passagers vont plutôt aux pipi-rooms. On embarque à bord des deux bus qui doivent nous ramener, en cinquante minutes, à Chama. C’est drôle car on suit le chemin du train, qui colle à la Highway 17 (la plupart des points de vue sont d’ailleurs accessibles par cette route, si vous ne voulez pas prendre le train). On s’arrête aux passages à niveau, revenant sur nos « propres » rails. Il y a un peu de trop de clim, mais ça va.

 

17h40 : terminus, Chama

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Ca y est, on est arrivés. On salue l’équipage et on retourne à la voiture. Un dernier gift-shop est ouvert. On fume une cigarette (le train est non-fumeur) et on part à la découverte de Chama. C’est désert. La plupart des enseignes du centre-ville ont fermé tôt ou sont à vendre. On s’attable au saloon, (sur des sièges troncs d’arbre) le Foster’s, presqu’aussi historique que le train. On regarde notre voisin : c’est LUI. Le cowboy à l’appareil vintage !

 

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On discute. Il s’appelle Jay Wimer, shoote en argentique avec l’appareil à chambre de ses 15 ans et a repris le journal du coin, le « Colorado Timetable ». Il nous salue, part d’une démarche nonchalante et, la clope au bec, monte à bord de sa Honda verte de collection. Elle aussi est à vendre. C’est un signal : on reprend nous aussi notre voiture direction Farmington, à deux heures de route. Et non, on n’a malheureusement pas fait tchou-tchou.

 

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Et si vous n’aimez pas la lecture et que vous préférez des images qui défilent (fainéants !), voilà notre journée en vidéo.

Lost on Cumbres and Toltec Railroad from Lost In The USA on Vimeo.

 

Le coin pratique

> L’adresse : Cumbres & Toltec scenic railroad. South Terrace avenue, Chama (Nouveau-Mexique).

> Le site internet : http://cumbrestoltec.com/

> Dates d’opération et trajets : Le train fonctionne du mois de fin mai à la mi-octobre (il arrête l’hiver en raison de la neige). De nombreuses offres sont disponibles, au départ de Chama ou d’Antonito (possibilité de s’arrêter à Cumbres), à des horaires différents, tout en train ou avec l’aller ou le retour en bus.

> Tarifs 2015 : de 95 à 189 dollars par personne selon le trajet et le choix de la voiture (dans l’ordre croissant : coach car/deluxe tourist car/parlor car. La voiture en plein air est accessible à tous les passagers). De 49 à 69 dollars pour les enfants de 2 à 12 ans, qui bénéficient d’offres de gratuité selon les périodes et les voitures. Boissons et alcool à bord. Train non fumeur. Nous on a pris le 5 : départ de Chama à 10h, lunch inclus, arrivée à Antonito à 16h4O et retour en bus à Chama à 18h, pour 95 dollars (un peu moins en euros) en coach car, 139 en tourist car et 179 en parlor (accessible aux plus de 21 ans seulement). Les tarifs augmentent en septembre-octobre, la meilleure période. Il y a aussi des événements spéciaux : parcours spécial enfants avec une mascotte ours en peluche, coucher de soleil, photo, géologie, 4-Juillet, Labor Day… Offres spéciales sur le site et régulières sur des sites comme Groupon.

 

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Special thanks

A Lee et tout le staff du C&T qui ont été aux petits soins avec nous, nous ont tout expliqué, montré, fait visiter et même fait changer de voiture en cours de trajet pour que vous les Roadies puissiez faire le bon choix si vous décidez de monter à votre tour à bord. Un grand merci. Tchou-tchou !

 

5 commentaires

  1. Bonjour à vous,

    Si vous deviez choisir entre celui-ci et celui de Durango – Silverton, lequel vous me conseillerez?

    Merci
    Frédéric

    1. Hello Frédéric,
      Celui-ci est moins connu des touristes donc très tranquille. Mais les meilleures vues sont pour le Durango-Silverton. De plus, Silverton est vraiment une chouette petite ville. Donc Durango-Silverton !
      JP

  2. Vous me bluffez. Je n’imagine même pas le temps que vous passez à rechercher les sites à visiter, les balades, les infos , la rédaction des posts et articles plus développés.
    Chapeau !

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