Morfale apprenti, j’ai battu en retraite devant le 72 Oz steak du Big Texan

Article rédigé le 30 août 2014 , mis à jour le 11 novembre 2023

Ceux qui l’ont « fait » ont leur nom au hall of fame, accompagné d’un petit commentaire : « Je suis venu, j’ai vu, j’ai mangé du steak », « Je l’ai fait pour ma grand-mère », « Je suis plein pour les trente prochaines années »… Certains ont même osé un « C’est tout ?! » ou « Où est le dessert ? ».  Ils sont venus à bout d’un steak de boeuf de 72 oz (deux kilogrammes) et de ses quatre garnitures « surprise » (salade, pommes de terres, cocktail de crevettes frites, pain) en moins d’une heure. Ils ont ainsi mangé à l’oeil et n’ont pas payé les 72 dollars, une tradition au Big Texan d’Amarillo (Texas) depuis 1960. Ce coup marketing génial a fait connaître l’établissement, autrefois installé sur la mythique Route 66 et aujourd’hui sur l’Interstate 40, dans le monde entier.

 

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Ce challenge était inscrit en bonne place dans notre roadtrip 2014, de l’Oregon au Texas (entre dormir dans un chien géant et assister à un concert à Red Rocks). C’est moi qui devais m’y coller. Depuis quelques jours, ce steak géant hantait mes nuits. Je suis bien capable d’avaler de la raclette plusieurs heures d’affilée ou de faire la misère aux pâtes à la maltaise de ma grand-mère, mais étais-je capable de m’infliger deux kilos de viande texane ? J’avoue avoir ressenti un premier frisson 48 heures avant, et m’être mis la pression dans la dernière ligne droite. Fallait-il se préparer ? Jeûner ou au contraire s’élargir l’estomac avec du thé ou beaucoup d’eau ?

 

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Quand j’en ai parlé sur les réseaux sociaux, c’était l’effervescence. D’un côté les pro-grosse bouffe amateurs de défis qui m’assuraient de leur soutien, de l’autre les anti qui me conseillaient de garder mes sous et de me contenter d’un bout de tofu. Je m’imaginais déjà, les dents du fond qui baignent, souriant quand même au cas où l’un de vous se soit branché sur la webcam qui diffuse en live les prestations des challengers sur le site du Big Texan. Le duel aurait dû avoir lieu le mercredi soir. Mais une chose bien plus futile qu’un steak, quel que soit son calibre, un fuseau horaire, a retardé le face-à-face.On a quand même visité les extérieurs et profité du motel.

 

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C’est donc en début d’après-midi le jeudi que nous nous sommes présentés, ma pom-pom girl et moi, à l’entrée du Big Texan.

 

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On entre. IL était là. Posé sur un lit de glace, à droite de la file d’attente. Il me fixait, entouré de son gang (quatre garnitures musclées).

 

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Lui, c’est un steak de 2 kg, plutôt mal cuit genre aller-retour sur la plaque, et à donner des frissons à Maïté, à filer les chocottes à Jean-Pierre Coffe ou à plaquer Philippe Etchebest au sol. Même emballé dans du cellophane (copyright). Il avait déjà remporté le premier round, avec l’intimidation. Avant même d’être assis, j’étais déjà blême. Une goutte de sueur perlait sur mon front.

 

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On nous a assis sur une petite banquette, au milieu de trophées de chasse et de peaux de bête. Je le sentais plus du tout. De toute façon, j’allais décevoir. Soit je le prenais, avec la quasi-certitude de ne pas le finir mais la perspective de ramener quatre doggy-bags et de manger du boeuf jusqu’à la fin des vacances, mais aussi la crainte de frôler l’occlusion intestinale. Soit je ne le prenais pas, mais je le regretterais peut-être longtemps (version soutenue par la photo de la championne aperçue à l’entrée). « Mais si vas-y, même une nana y est arrivée ! », insistait ma moitié.

Sauf que la nana en question est une championne du genre. Après s’être envoyé le burrito géant le plus épicé du pays, Molly Schuyler est venue en mai au Big Texan et y a dévoré deux steaks de suite : le premier en 4 min 58, le second en 9 min 59″. Quatre kilos de barbac en moins d’un 1/4 d’heure. Qui fait ça ? Le diable de Tasmanie ? Son commentaire ; « J’aurais dû en prendre un 3e ! ». La demoiselle a remis ça en septembre 2015 et détient toujours le record avec trois steaks ingurgités en 20 minutes !

 

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J’ai demandé l’avis de la serveuse, Chelsea. Elle a fait la grimace : « Une seule personne sur dix y arrive… Moi je mange beaucoup mais je ne le prendrai jamais ! Ce qui est dur, ce sont les garnitures… Et vous pouvez retrouver la même viande à la carte ».

 

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2-0 pour le steak. Pression psychologique maximale. Et là, alors que je me débattais avec mes derniers doutes (et que j’avais commandé un Pepsi plutôt qu’une bière), le dieu de la grosse bouffe m’a envoyé un signe. Une voix s’est élevée, vers la cuisine. Une petite dame blonde coiffée d’un chapeau de cow-boy, est montée sur une estrade que je n’avais pas vue jusqu’alors et y a présenté Joe, un challenger bien charpenté venu de Louisiane.

 

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Elle a actionné le chronomètre et invité les clients à le prendre en photo, mais sans le déconcentrer. Méticuleux, Joe semblait à son affaire et avait vraisemblablement choisi pour stratégie de faire disparaître d’abord toute la garniture avant d’attaquer sa viande (qui au passage avait l’air d’être vraiment très cuite). Visière vissée sur la tête, il a répondu dès qu’il le pouvait aux questions qu’on lui posait. « C’est la première fois ? » « Oui, et sûrement la dernière ! » « Ca va ? c’est bon ?  « Mmmmhhh ». Tandis que sa famille était tranquillement installée à quelques mètres de là (les champions doivent oeuvrer sur l’estrade, sous le chrono et face à la caméra, un seau sous la table en cas de… dérapage), Joe était assailli par les spectateurs : les parents prenaient leurs enfants sur leurs épaules pour qu’ils ne ratent pas une miette du gâteau, tout le monde demandait où il en était et le prenait en photos, et les autres Hommes (avec une majuscule), une lueur dans l’oeil, qui voulait dire « T’as des couilles, Dude », l’encourageaient et le félicitaient : « Good luck, you’re a man ! ». Comme s’il partait à la guerre ou avait ramené une médaille olympique.

 

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3-0. Match terminé. Je capitule, je suis déjà écoeuré. Chelsea revient pour la 6e fois pour prendre notre commande. Je bredouille/bafouille un « Euh je vais pas prendre le steak finalement… » Je ne peux pas laisser ma copine toute seule (fausse excuse moisie). Je me console avec un « combo BBQ » composé de saucisses, de ribs de porc et de tranches de ce fameux morceau de boeuf. Dernière frayeur lorsque Chelsea demande : « C’est pour partager ? ». Euh ben non. Mon coeur saigne, elle me prend déjà pour une couille molle.

 

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Le combo a mis un peu de temps à arriver mais il est bien passé, avec une bière brassée sur place que j’ai finalement commandée, étant « hors compétition ». Et tandis que je le finissais goûlument mon plat, un bras s’est levé. C’est Joe qui jetait l’éponge, à treize minutes de la fin. Il a été félicité et a reçu un t-shirt souvenir. On lui aurait bien parlé un peu, mais il a « mystérieusement » disparu…

 

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Le règlement du 72 Oz steak

1. Tout doit être terminé en une heure. Si tout n’a pas été consommé (avalé !), vous perdez.
2. Avant que le chronomètre ne se déclenche, vous avez la possibilité de goûter un morceau du steak. Pour voir s’il a bon goût et a été cuit selon votre volonté.
3. Interdit de se lever, de quitter la table ou de laisser quelqu’un toucher le steak
4. Disqualification si quelqu’un vous aide à  couper ou à manger le steak
5. Vous n’êtes pas obligé de manger le gras. Mais le Big Texan reste juge.
6. Si vous tombez malade, c’est terminé. Merci d’utiliser le seau à cet effet…
Et plein d’autres règles. Alors, tenté ?

 

Le coin pratique

> L’adresse : Big Texan, sortie 75 sur l’I-40, Amarillo (Texas). Restaurant (et motel à côté, joli, piscine en forme d’Etat du Texas. Comptez une centaine de dollars la nuit).

 

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> Horaires : ouvert de 7 h à 22h30 (bar ouvert plus tard).

> Site : http://bigtexan.com/

> Tarifs : Plats à partir de 10 dollars (steak à partir de 17). Vous pouvez même vous faire amener/ramener en limousine à cornes de vaches longhorns (gratuitement, à condition d’être 4 et de rester dans Amarillo intra-muros)

 

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Pour aller plus loin

Lire nos autres chroniques « Morfale, j’ai mangé pour vous »

11 commentaires

  1. Hahaha ! On est dans la voiture direction Amarillo et on se bidonne en lisant cet article ! Merci ! David est motivé pour le tenter…Moi je suis déjà écoeurée après avoir lu l’article haha !!! affaire à suivre 😀

  2. « Mon coeur saigne, elle me prend déjà pour une couille molle » ==> j’ai adoré!!!
    Je peux dire sans trembler que je suis un vrai viandard, qu’une côte à l’os de 1kg ne me fait pas peur du tout, mais 2kg + garniture… tu as fait le bon choix, et tant pis si depuis, elles sont molles!

  3. Rien que les portions standards dans les resto américains, j’arrive pas à finir, alors j’imagine même pas ce plat avec 2kg de boeuf!
    A la rigueur un concours avec un dessert pourquoi pas :p

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